A TOI, MA DOUCE RENAISSANCE

CLEMENT GUILBEAU

La renaissance, terme qui à sa seule évocation fait ressentir à chacun un renouveau et une plénitude impatiemment attendus par de nombreuses personnes. Tout en emplissant ces derniers ainsi que ma propre personne d’une inquiétude et d’une désinvolture inégalables.

Tu t’imposes à moi comme à nous tous, semant inquiétude et exaltation sur ton passage. Je peux en mon nom et au nom de l’humanité te le dire, tu es tout aussi redoutée qu’attendue.

Factuellement, il demeure important de définir le terme même de renaissance.

Indépendamment des sentiments qu’elle évoque à tout un chacun, il se cache derrière cette dernière une conception avant tout historique. Présentée par beaucoup comme une période relative à l’art et la culture européenne, la Renaissance a été pensée comme une césure avec le monde moyenâgeux, vu par beaucoup comme une période pernicieuse. Or, il est difficile de qualifier factuellement la renaissance. Je serais même tenté de dire qu’il y a autant de définition de la renaissance qu’il y a d’être en ce monde. La renaissance étant bien plus qu’une simple période historique, elle peut également se définir en tant que sentiment ou objectif à la portée de chaque personne au cours de sa vie. Comme un nouveau départ après un échec, comme un objectif dans une vie.

Elle marque un renouveau malléable à chaque instant. En définitive, étant à la fois abstraite et factuelle, la Renaissance et sa définition sont assujetties au libre arbitre humain. En somme, c’est l’homme qui donne vie et essence à la Renaissance.

Il en vient alors à se demander préliminairement ce que nous évoque la renaissance.

Est-elle attendue ? 

Assurément, dans un monde comme le nôtre. Monde toujours plus avide de productivité, à la recherche d’une constante renaissance économique et technologique. Il en vient alors à se demander si l’humanité n’a pas oublié ce que signifie réellement la renaissance. Est-ce un synonyme de découverte ? Si on se limite à cette seule définition, alors le monde se dirige vers une constante renaissance. S’illustrant factuellement par l’évolution de ses sciences, de sa technique, et de sa façon de percevoir ses congénères et son espace.

Est-elle redoutée ? 

D’autant plus, permettant par sa seule existence la mise en exergue de ce que l’homme redoute le plus dans ce bas monde, l’insécurité. Car rien n’est éternel, elle est pour plusieurs synonyme d’un nouveau départ, pour d’autres, la perte de repères et l’instabilité.

Je peux te le dire dès ces premières lignes, Renaissance.

L’humanité t’aime autant qu’elle te déteste.


Or,


Comme l’humain n’est qu’égoïsme et égocentrisme, je tiens tout de même à lui adresser un message plus personnel. Comme une lettre jetée à la mer de la part d’un simple étudiant et citoyen français, pris dans le tourbillon d’une vie tourmentée par les évènements et par la pandémie récente.


Je n’étais alors qu’un jeune homme fraîchement diplômé du baccalauréat. La tête emplie de rêves et d’espoirs. C’est lors de ma première année à l’université quand tout a commencé. Juste avant la pandémie, la France était frappée presque quotidiennement par de nouveaux attentats, journaliers. Devenant presque un quotidien sordide, aussi effroyable que cela puisse paraître. S’ ensuivit le début de la crise sanitaire. Dans cette insécurité constante, le terme de renaissance a pris tout son sens. Venant à se demander comment le terme renaissance se caractérise-t-il à notre époque ?

  1. Le difficile conciliation de la conjoncture actuelle avec un quelconque espoir de renaissance  

 Je n’avais pas pris la pleine mesure de la situation jusqu’au discours du 1er ministre, qui sonna le glas de la vie telle que nous la connaissions jusqu’alors.

« Tout ce qui vous paraît normal, est désormais interdit ». 

Ces mots résonnent encore dans mon esprit. Paradoxalement, quand le discours a été prononcé, j’étais avec des amis. Partageant un moment simple et naturel qui allait devenir au regard des événements de plus en plus exceptionnel et risqué.

C’est alors que ma vie, notre vie allait complètement changer. Fermeture de l’Université et en conséquence d’une scolarité normale. La France et l’Europe se retrouvent plongés dans une valse de restrictions incomparables à toute situation antérieure. 


La renaissance qui m’était alors promise à l’âge béni de mes 20 ans allait être remplacée par une incertitude constante. Nos vies étaient alors rythmées par les discours de l’exécutif. Qu’allait-on nous annoncer aujourd’hui ; un prolongement du confinement ? Quand allions-nous pouvoir enfin retrouver ce que nous appelions déjà « la vie d’avant ». Quel serait le moment où cette fameuse renaissance se présenterait à nos âmes et esprits ?

Tant de questions qui demeurent sans réelle réponse. 

A ce moment précis, la renaissance paraissait lointaine et non-envisageable. Comment envisager un quelconque renouveau quand l’humanité peine à se stabiliser elle-même? Comment espérer un changement, quand un autre est déjà en cours au sein même de notre vie ? Il faut ici faire la distinction entre un renouveau et un changement brutal de situation. La Covid-19 altéra nos vies sans créer de renouveau; au contraire, elle se présenta comme un antipode à l’idée même de ce que nous souhaitons de la renaissance. Elle créa lassitude et désinvolture dans nos cœurs. Enfermés chez nous avec nos proches et, plus intimement, avec nous-mêmes. La cessation brutale de nos interactions sociales n’a pas permis la construction d’un environnement propice au développement personnel, à la découverte de soi et des autres. 

En somme, la renaissance fut oubliée par de nombreuses personnes, dépourvue de fondement et de subsistance dans un quotidien platonique et rythmé non plus par le libre arbitre et les initiatives personnelles, mais par le pouvoir sanitaire et législatif. Maître d’orchestre sous l’égide de la conjoncture sanitaire.

Renaissance, je t’avoue qu’à ce moment-là, nous avions tous besoin de toi.

Besoin d’être guidés, de poursuivre un objectif comme une lumière, un guide dans une sombre période. Se rattacher à un espoir était devenu un moyen de subsister et d’attendre. Comme un prisonnier en attente de la fin de son incarcération, avec qu’une seule idée en tête : sa mise en liberté, sa renaissance.

Nous étions tous prisonniers des événements, comme déchus du rôle central que nous occupions tous dans nos propres vies. Nous n’étions plus  maîtres de rien. La renaissance quant à elle n’était plus synonyme dans l’esprit collectif d’un espoir, mais d’un souvenir oublié comme un mirage n’étant actuellement plus atteignable pour la grande majorité.

  1. L’éprouvante redécouverte de la notion de renaissance

Progressivement, la vie reprit son cours. Plus précisément une nouvelle vie reprit son cours, conditionnée à la situation sanitaire. La société renaît progressivement, essayant désespérément d’adopter de nouveaux repères. Or, cette renaissance, beaucoup dont moi n’avons pu y goûter.

L’université resta fermée. Je n’avais pas, contrairement à plusieurs, l’autorisation de sortir de chez moi. Un sentiment de rancœur et d’amertume m’emplissait, moi ainsi que de nombreux camarades. Même la situation sanitaire l’exigeant, comment justifier en notre âme et conscience ce départ raté dans la course effrénée que chaque personne individuellement ou collectivement avait entamée ?

Les jours passent…  Que dis-je ? Les mois passent ! Mon moral arrive progressivement difficilement à s’accrocher au peu d’espoir qu’il me reste de retrouver ma vie d’avant, ces moments de simplicités si essentiels à tout équilibre psychologique.

J’ai le sentiment profond de passer à côté de quelque chose, à côté de ma jeunesse. Cette chanson de Françoise Hardy résonne inlassablement dans ma tête : « On se dit qu’à 20 ans, on est les rois du monde ».

De quel monde suis-je roi ? Sommes-nous les rois de quel monde ? Quel pouvoir et quelle emprise puis-je avoir sur la renaissance, sur mon dû ? Alors que je n’arrive même pas à prendre part à mon propre destin, réduisant mon champ d’action à un simple bureau dans une chambre. 

Je ne sais pas, je ne sais plus. Comme des milliers d’étudiants, je sens mon moral faiblir. J’écoute mes amis au téléphone qui commencent à décrocher. On perd progressivement tout espoir de renaissance face à notre ordinateur. Écoutant inlassablement des cours face à un écran, aussi frustrant que cela puisse être. « Tenez bon, c’est bientôt la fin ».

Renaissance, c’est à ce moment-là que nous avons le plus besoin de toi, que j’ai le plus besoin de toi. Besoin de me raccrocher à ton existence. 

Le simple fait de ta présence m’aide à avancer, à continuer sans décrocher. Un jour tu te présenteras à moi, et à ce moment-là je veux être prêt. Prêt à te saisir, prêt à te toucher. Prêt à recevoir tout ce que tu es en mesure de me donner. 

CLEMENT GUILBEAU est étudiant en 3ème année de droit à l’université de Poitiers, France.