LÉYA : YALE EN VERLAN

S’il vous est déjà arrivé, en regardant un film français, d’y retrouver un mot qui vous semblait inconnu et intrigant, et que vous avez maudit votre dictionnaire – auquel vous avez sans doute accouru à l’instant même – de ne pas le contenir, c’est peut-être tout simplement qu’il était à l’envers.

Ne vous en faites pas : n’allez pas acheter un Grand Robert et ne congédiez surtout pas son collègue le Petit. Vous avez sans doute eu affaire au verlan, forme d’argot français qui consiste en une simple mais cryptique inversion des syllabes.

Le dialecte inventé, qui a connu depuis de la Deuxième Guerre mondiale une diffusion spectaculaire, a d’abord pris forme dans le milieu ouvrier de la banlieue parisienne. Or, le verlan est tenace : il s’entend encore partout en France, surtout parmi les jeunes à Paris. De ce côté de l’Atlantique, il complique depuis environ 60 ans aux américains la tâche déjà fort complexe qu’est de déchiffrer les paroles du rap français.1

La confusion que cause le verlan semble contraster sa mécanique assez facile d’accès. Or, le résultat est parfois surprenant : relou pour lourd, llégri pour grillé, teubê pour bête, chelou pour louche… la liste est longue !

L’AB doute fort vous en apprendre beaucoup de par ces quelques lignes. Or, si vous y avez trouvé du nouveau, retournez donc regarder La haine, trouvez donc, enfouis dans votre iTunes, les chansons d’MC Solaar qui ont marqué votre enfance ou votre initiation au français, et découvrez-y des propos auxquels vous vous étiez peut-être résignés dans l’ignorance.2

Un dernier exemple pour vous convaincre de la subtile omniprésence de cet argot fantastique : si, comme bien des francophiles et amateurs de musique, vous écoutez depuis l’an passé les succès de Stromae ; si, comme les grandes chaînes américaines, vous l’avez adopté comme votre « european music crush » du moment ; si vous avez écouté Alors on danse à Toads plus récemment que vous désirez l’admettre, vous serez peut-être heureux d’en venir à bout du nom singulier de cet artiste : maestro !

Alors que nous apprenons, à vos côtés, les simples complexités du verlan, l’AB vous propose un exercice de vulgarisation qui nous facilitera à vous comme à nous l’apprentissage. Au cours d’une série de quelques articles, nous tenterons de traduire le campus de Yale en verlan. En quelques mots, voici Léya…

Sonmé, nom commun féminin : fondée en 2013, la sonmé a pour mission première que contribuer au goût qu’on les étudiants de Yale pour les cultures françaises et francophones. Le mot goût, il faut le dire, est ici bien choisi puisque c’est à travers les bonheurs de la pâtisserie, gaufre par gaufre, que la sonmé se propose d’accomplir cette tâche. On y retrouve entre autres : chocolatines, croissants, croques monsieur, croques madame, baguettes, gaufres, brioches et autres surprises. Sur la rue Elm, la sonmé Mathis vous accueille de 8h à 20h les jours de semaine. Un club de lecture de littérature française s’y rejoint les dimanche soirs. Si vous êtes chanceux, peut-être même qu’ils vous inviteront à les joindre.

Stétblou, nom commun masculin : Plus évident que le dernier, peut-être, stétblou est le centre majeur de « caféinésation » de la région de New Haven. Vantant trois postes de ravitaillement, stétblou offre tout ce que vous désirez, en plus de variantes avec quinoa et hummus. Café au lait, capu, bagel, bagel avec quinoa… vous n’y serez pas déçus. Une variante new havenoise d’un petit jeu pour les amateurs de littérature française proposé d’abord par @NeinQuarterly sur Twitter : rendez-vous à Stétblou pendant l’achalandage régulier de l’après-midi, commandez-y un café, donnez au serveur le nom « Godot, » puis partez avant qu’il soit prêt. Ils vous attendront longtemps. Beckett à Stétblou, rien de plus Léya ?3

BA, abbréviation : Ici, les amateurs de verlan de Léya se plaisent dans l’ambiguïté. B.A. pour bonne action ? Bachelor of Arts ? Bouche-Amuse ? À vous de deviner, ou de l’employer comme bon vous semble. En espérant que vos BA seront des BA …

Au plaisir d’explorer davantage avec vous le monde naissant du verlan à Yale dans la prochaine édition,

KBM


NOTES

  1. Albert Valdman, « La Langue des faubourgs et des banlieues : de l’argot au français populaire », The French Review, American Association of Teachers of French, vol. 73, no 6,‎ mai 2000, p. 1179-1192. 
  2. Natalie J. Lefkowitz, « Verlan : Talking Backwards in French », The French Review, American Association of Teachers of French, vol. 63, no 2,‎ décembre 1989, p. 312-322.
  3. https://twitter.com/NeinQuarterly